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IA, informatique automatisée, ni intelligente ni artificielle

De erg

Le titre de cette page vient de l'introduction de "Contre-atlas de l'intelligence artificielle" de l'artiste et universitaire Kate Crawford, écrit en 2019, soit bien avant la médiatisation des "intelligences artificielles génératives" (IAG) provoquée par la mise en ligne de ChatGPT par OpenAI. Une recension de ce livre existe sur le site de Curseurs.

La place de l'IAG à l'erg a commencé à être explorée, entre autre, lors d'une conférence-débat "Intelligences Artificielles, amies ou ennemies des artistes" organisé (entre autre) par Stéphane Noël à l'ESA St-Luc le 27 février 2024, et par une intervention de Mathilde Sailou : l'IA va-t-elle tous nous remplacer ?



Ces conférences a ensuite été suivie à l'erg par une table ronde qui rassemblait des étudiant·es, des profs et des membres de l'équipe administrative. Nous avons écouté collectivement un épisode du podcast "Le code a changé" sur le fonctionnement de ChatGPT (d'autres épisodes du podcast auraient pu être choisis par ailleurs). Puis nous avons échangé sur les différentes manières d'utiliser (ou non) l'IA générative (principalement de texte) en tant qu'étudiant·e ou que prof : comment cela impacte notre relation pédagogique ? plutôt qu'interdire (ce qui est impossible), comment sensibiliser aux possibilités et aux limites de ces générateurs ? Des parallèles ont été tracées avec les débats ayant cours avec l'arrivée de Wikipédia, du rapport à l'apprentissage et à la fraude.

Il n'y a pas de traces de cette table ronde, mais un texte du sociologue Bilel Benbouzid intitulé Écrire à l’université à l’heure des IA génératives : égalité instrumentale, inégalité structurelle (2/2) publié un an plus tard résume bien la teneur des échanges, notamment le fait que l'IAG approfondit les inégalités (de capital culturel) plus qu'autre chose : il y a celleux qui savent "écrire les prompts", et celleux qui ne savent pas. Pour reprendre un extrait de Benbouzid :

Derrière l’égalité de l’accès aux outils, les intelligences artificielles génératives instaurent de nouvelles hiérarchies symboliques au sein de l’université. En standardisant les formes d’expression et en valorisant un habitus dominant, elles tendent à renforcer les écarts entre étudiants, selon leur capital culturel et leur rapport social au langage.

Au centre des justifications de ceux qui promeuvent un investissement croissant dans les Intelligences Artificielles Génératives (IAG) dans l’enseignement supérieur, on trouve l’argument que non seulement l’IAG pourrait agir comme un égalisateur des chances, uniformisant l’accès aux ressources éducatives, mais qu’elle pourrait aussi réduire les inégalités existantes dans les capacités cognitives, du moins sous certaines conditions et pour certains types de capacités[1].

Cet argument repose sur un nombre croissant d’études qui s’intéressent aux effets des IAG sur les compétences professionnelles. La synthèse que l’on peut en tirer est la suivante : dans les activités à forte composante routinière, l’IAG diminue le besoin d’une longue expérience, permet une montée en compétence accélérée et réduit les écarts de compétence entre les personnes ; dans le secteur de la recherche, elle pourrait renforcer les écarts de compétence, les personnes les plus expérimentées étant celles qui tirent le meilleur parti des usages des IAG ; toutefois, elle peut aussi contribuer à réduire certaines inégalités là où la créativité est en jeu, au prix néanmoins d’une uniformisation des pratiques

[...]

En déléguant systématiquement leurs compétences de lecture, d’analyse et d’écriture à ces modèles, les étudiants peuvent contourner les processus essentiels d’intériorisation et d’adaptation aux normes discursives et épistémologiques propres à chaque domaine. En d’autres termes, l’étudiant pourrait perdre l’occasion de développer authentiquement son propre capital culturel académique, substitué par un habitus dominant produit artificiellement par l’IA.

Dans les "solutions" évoquées autour de la table, Peggy Pierrot partageait son expérience de faire faire un devoir avec ChatGPT, afin d'entamer une discussion sur les possibilités et les limites de la plateforme. Plus généralement, elle nous partageait ne pas empêcher l'utilisation de l'IAG, mais en demandant alors, par honneteté intellectuelle et pour comprendre les cheminements de pensées de ses étudiant·es, d'inclure le "prompt" dans un travail ayant utilisé l'IAG.

Erg nomade a par la suite mis en place une IAG locale et open source, basée sur Ollama (accessible sur le serveur de l'erg en étant connectée au réseau wifi de l'erg et en local sur l'un des ordinateurs du Matos), et relayé le flyer-livret de Shiyata qui rappelle en quelques chiffres clés le désastre écologique que sont les IAG.