Cinéma vérité, vérités du cinéma : Différence entre versions
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WINTER SCHOOL / Intervention de Thierry Odeyn, les 30 & 31 janvier 2018
10h00 > 13h00 / 14h30 > 18h00
CINÉMA VÉRITÉ, VÉRITÉS DU CINÉMA
Si la télévision canalise les tendances naturellement voyeuristes du spectateur, c’est qu’il n’y a plus de bonne ou de mauvaise procédure quant à la manipulation de l’image, puisqu’il n’y plus d’image de l’autre sur le petit écran. Il en est tout autrement au cinéma. Filmer le réel, c’est toujours filmer un rapport au réel. Filmer de l’ « autre » pour le montrer à d’autres implique une morale inhérente à l’acte de filmer, de donner à voir.
Ainsi dans le film « Portrait de Jason » de Shirley Clarke (1967), Jason Holliday, prostitué noir, est soumis, 12 heures durant, aux questions souvent provocantes de ceux qui le « harcèlent » derrière la caméra. Entre rire et larmes, le comédien va progressivement épuiser son registre de représentation et incarner, dans sa pathétique nudité, l’impossibilité ou le refus de s’intégrer dans une Amérique ségrégationniste.
Dans cette chambre où nous tournions, il y avait 4 personnes, dont une seule était noire. Si l’équipe avait été noire, on aurait obtenu un film absolument différent. Jason savait qu’il parlait à un public blanc. Il me voyait, et j’étais la personne qui lui parlait. Mais le film soulève aussi une autre question qui est: quand le metteur en scène peut-il ou doit-il s’arrêter? Ce qui revient à poser le degré d’invasion de la vie privée que l’on peut se permettre. Dans le cas de Jason, je pense que la seule raison qui nous permettait de faire ce que nous avons fait, c’est qu’il va de lui même si loin, qu’il finit par perdre la conscience de ce qu’il est train de dire (seule chose qui nous permettait, à nous, de continuer de le filmer) et qu’il aboutit à certains moments qu’on voit rarement chez un être humain. Shirley Clarke
Mais le film ne soulève pas qu’une question éthique, il interroge aussi le politique et le passage de la frontière entre le réel et le fictif (fonction de la fabulation). Ce sont ces questions que nous tenterons d’aborder pendant nos 2 jours de rencontre, à travers des extraits de films de Shirley Clarke, Raymond Depardon, Jean Rouch, Johan Van der keuken, …