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Les dernières décennies ont témoigné de la montée en puissance d’une nouvelle catégorie de subjectivité politique et esthétique : celle des usagers et de leurs usages (usership). Dire de cette catégorie qu’elle est nouvelle est dans un sens contre-intuitif puisque nous faisons usage du langage, des outils, des psychotropes — de tout ce qui se trouve à disposition — depuis toujours ; mais dans le capitalisme cognitif (ou plus exactement “usologique”) les usagers et leurs usages sont venus à nommer le lieu clé d’extraction de plus-valu dans l'économie, au même titre que le prolétariat au vingtième siècle. Mais contrairement à ce veut nous faire croire un certain discours, les usagers et leurs usages ne constituent ni un simple gisement d’affects à puiser à volonté ni surtout une catégorie passive : au fond, les usagers sont les mésusagers ; subalternes, certes, mais insurgés. Situés en dehors de la binarité production-consommation (les usagers sont les deux à la fois, et ni l’un ni l’autre, leur usage même étant générateur d’information et de valeur), le usership n’ouvre-t-il pas la possibilité de l’abolition du travail ? Dans la sphère esthétique (où l’usager déplace et remplace le spectateur), comme dans le domaine des connaissances (où les usagers s’opposent à la culture des experts) et dans l’économie politique (où les droits et pratiques d’usage contestent la propriété privée), la figure de l’usager a l’étrange particularité d’émerger exactement là où on l’attend. Or que fait-on quand on fait usage ?
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Les dernières décennies ont témoigné de la montée en puissance d’une nouvelle catégorie de subjectivité politique et esthétique : celle des usagers et de leurs usages (''usership''). Dire de cette catégorie qu’elle est nouvelle est dans un sens contre-intuitif puisque nous faisons usage du langage, des outils, des psychotropes — de tout ce qui se trouve à disposition — depuis toujours ; mais dans le capitalisme cognitif (ou plus exactement “usologique”) les usagers et leurs usages sont venus à nommer le lieu clé d’extraction de plus-valu dans l'économie, au même titre que le prolétariat au vingtième siècle. Mais contrairement à ce veut nous faire croire un certain discours, les usagers et leurs usages ne constituent ni un simple gisement d’affects à puiser à volonté ni surtout une catégorie passive : au fond, les usagers sont les mésusagers ; subalternes, certes, mais insurgés. Situés en dehors de la binarité production-consommation (les usagers sont les deux à la fois, et ni l’un ni l’autre, leur usage même étant générateur d’information et de valeur), le usership n’ouvre-t-il pas la possibilité de l’abolition du travail ? Dans la sphère esthétique (où l’usager déplace et remplace le spectateur), comme dans le domaine des connaissances (où les usagers s’opposent à la culture des experts) et dans l’économie politique (où les droits et pratiques d’usage contestent la propriété privée), la figure de l’usager a l’étrange particularité d’émerger exactement là où on l’attend. Or que fait-on quand on ''fait'' usage ?

Version actuelle datée du 25 octobre 2019 à 12:09

Les dernières décennies ont témoigné de la montée en puissance d’une nouvelle catégorie de subjectivité politique et esthétique : celle des usagers et de leurs usages (usership). Dire de cette catégorie qu’elle est nouvelle est dans un sens contre-intuitif puisque nous faisons usage du langage, des outils, des psychotropes — de tout ce qui se trouve à disposition — depuis toujours ; mais dans le capitalisme cognitif (ou plus exactement “usologique”) les usagers et leurs usages sont venus à nommer le lieu clé d’extraction de plus-valu dans l'économie, au même titre que le prolétariat au vingtième siècle. Mais contrairement à ce veut nous faire croire un certain discours, les usagers et leurs usages ne constituent ni un simple gisement d’affects à puiser à volonté ni surtout une catégorie passive : au fond, les usagers sont les mésusagers ; subalternes, certes, mais insurgés. Situés en dehors de la binarité production-consommation (les usagers sont les deux à la fois, et ni l’un ni l’autre, leur usage même étant générateur d’information et de valeur), le usership n’ouvre-t-il pas la possibilité de l’abolition du travail ? Dans la sphère esthétique (où l’usager déplace et remplace le spectateur), comme dans le domaine des connaissances (où les usagers s’opposent à la culture des experts) et dans l’économie politique (où les droits et pratiques d’usage contestent la propriété privée), la figure de l’usager a l’étrange particularité d’émerger exactement là où on l’attend. Or que fait-on quand on fait usage ?