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Workshop à l’erg, le 26 février 2015 - Avant-gardes et internationales révolutionnaires

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Actualités
Publiée 2015/02/14
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Omar Blondin Diop lisant le n°12 de l'Internationale Situatonniste


Avant-gardes et internationales révolutionnaires

Dans le cadre de « Karawane », les séances de recherche accompagnant le projet de Pavillon « Personne et les autres », initié par Vincent Meessen et Katerina Gregos pour la Biennale de Venise 2015. 

« Collège des invité.e.s », erg / Normal (Bruxelles).

 

L'erg, 26 février 2015, 10h00 à 20h00

Inscription auprès de Sammy Del Gallo : sammy.del.gallo@erg.be

 

Dans le premier numéro de la revue marocaine d’avant-garde Souffles, le poète marocain Mohammed Khaïr-Eddine, vivant à ce moment-là à Paris, écrit : «  Tous ceux ici (en Europe) qui se réclament de l’avant-garde se leurrent. L'avant-garde, c'est ce qui se fait en Afrique. » (Souffles, n° 1, 1966). L’on ne peut manquer de constater la présence significative et active en Europe de militants et d’artistes venants d’Afrique, des Caraïbes et d’Amérique latine dans les mouvements radicaux des années 1960. Toutefois, se constituaient dans le même temps en Afrique, aux Caraïbes et en Amérique latine de similaire mouvements radicaux qui bien que demeurant largement méconnus ici jouèrent un rôle central dans les mouvements d’indépendance et de décolonisation que connurent ces régions. Pourtant, cette situation n’équivaut pas à la simple transposition d’une radicalité d’un lieu à un autre. Il s’agissait également de la transformer. Comme le constatait Guy Debord, vers 1960, au sujet du Congo dans une lettre adressée à Béchir Tlili alors étudiant tunisien en France, en substance : si la révolution doit être réinventée partout, ce serait dans les pays émergents qu’elle exigerait le plus d’imagination, d’inventivité et d’expérimentation.

La tâche s’avère complexe. Car s’y articulent autant une nécessité d’émancipation que celle d’un travail de mémoire, inscrivant un rapport au réel et à l’histoire à chaque fois singulier. À la volonté de révolutionner la vie et la société, de mettre en crise des modèles capitalistes régissant l’économie, de produire de nouveaux régimes de gouvernementation, s’adosse celle de construire une histoire débarrassée des constructions historiques formées par les colons, ce, tout en évitant les replis identitaires, les représentations victimaires et les retours à un passé « glorieux » souvent mythologisé. Permettre que cette transformation puisse s’actualiser demandait donc de produire d’autres formes, d’autres langages, d’autres structures de compréhension du réel et de l’histoire n’équivalant pas à la simple transposition d’une radicalité d’un lieu à un autre.

Ce constat permet de poser plusieurs questions (d’ordres tant historique et théorique, qu’épistémologique et méthodologique) à l’endroit de la dite relation entre les « avant-gardes » et les « internationales révolutionnaires » : quelles constellations et quelles filiations est-il a posteriori légitime de construire ? n’est-il pas nécessaire de croiser histoire des individus, des mouvements et des nations afin de mieux préciser leurs spécificités respectives ? ne convient-il pas également de réhistoriciser tout en ouvrant le faisceau géographique de ces histoires afin de mieux saisir les multiples continuités et discontinuités qui caractérisent ces relations entre « avant-gardes » et « internationales révolutionnaires » ? Cette séance du séminaire n’aura pas pour ambition de répondre à ces questions, mais au contraire, partant de l’histoire singulière d’individus, de mouvements et de nations, d’en dégager des perspectives.

 

Cette journée sera structurée à partir des questions élaborées par les étudiant.e.s qui ont étudié « Les mots captifs » de Mustapha Khayati et travaillé dans les archives sur des exemplaires de la revue Congo dont Valérie Kanza a fait elle-même un de ses objets d’études. Elle sera clôturée par la projection de Un film italien (Africa Addio) de Mathieu Kleyebe Abonnenc. 

 

Programme

10-13 heures

Rencontre avec Mustapha Khayati

14 – 17 heures

Rencontre avec Valérie Kanza

18 heures

Projection et débat

Mathieu Kleyebe Abonnenc
An Italian Film (Africa Addio) 
26 min, HD

Présentation et bios. 

Dans son texte « Les mots captifs » paru dans l’Internationale Situationniste (n°10, 1966), Mustapha Khayati prône une conception du langage réactivant le principe de « négation » propre aux avant-gardes du début du 20e siècle. Pourtant, plus qu’une simple réactivation, en articulant cette conception à une volonté de mise à mal des régimes de pouvoir, semble s’immiscer là non pas une conception purifiée du langage mais une tentative radicale de l’ouvrir à la contingence du réel. Il écrit ainsi : « Il est impossible de se débarrasser d’un monde sans se débarrasser du langage qui le cache et le garantit, sans mettre à nu sa vérité. Comme le pouvoir est le mensonge permanent et la ‘vérité sociale’, le langage est sa garantie permanente ». 

Tout en discutant les implications historiques et théoriques que cette conception revêt, il s’agira également d’interroger comment ce texte put lui-même être pris dans une dynamique de diffusion, notamment par la traduction réalisée par Raoul Haussmann, figure clé du dadaïsme historique, ainsi que la présence d’une pensée de la décolonisation dans les écrits de Khayati qui pourrait permettre de préciser, voire de réévaluer, le rôle de celui-ci au sein de l’Internationale Situationniste. 

Historien, militant et penseur politique tunisien, Mustapha Khayati est un des membres historiques de l'Internationale Situationniste dont il démissionne lors de la VIIIe Conférence (tenue à Venise le 1er octobre 1969) à la suite de son engagement en Jordanie auprès du nouveau « Front démocratique pour la libération de la Palestine ». Il a rédigé le pamphlet qui provoqua le « scandale de Strasbourg » de 1966, un des prodromes de la « Commune étudiante » de Mai 68. 

Titulaire d'un doctorat en histoire (Université Paris I, 1979, thèse sur l'histoire des Perses) et d'un doctorat d'État en sciences politiques (la représentation du politique dans la culture arabe classique, Paris VIII), il a enseigné à l'IEP d'Aix-en-Provence durant les années 1980 et 1990. Il continue actuellement ses recherches sur l’histoire de la pensée politique en étudiant les autobiographies d'hommes politiques du monde arabe.

 Parmi ses publications : Les Mots captifs. Préface à un dictionnaire situationniste, Allia, 1997 (réédition) ; De la misère en milieu étudiant considérée sous ses aspects économique, politique, psychologique, sexuel et notamment intellectuel et de quelques moyens pour y remédier, UNEF, 1966 ; réédition trilingue (avec les versions anglaise et chinoise), Champ Libre, 1972. 

 

Consultante, réalisatrice de documentaire et chercheuse, Valérie Kanza entreprend depuis maintenant une vingtaine d’années une recherche interdisciplinaire sur les figures et publications liées à la problématique des réseaux de décolonisation entre le Congo et la Belgique. Nièce de Thomas Kanza, acteur de l'indépendance (premier universitaire congolais diplômé en Belgique, membre du gouvernement Lumumba, homme politique et diplomate), elle dispose d’un accès privilégié aux témoins et aux sources permettant de mettre en évidence comment ces réseaux furent notamment actif par le biais de la diffusion et des débats d’idées qui s’opéraient au sein des revues. 

Elle a entre autres souligné l’importance des locaux de l’antenne belge de l’influente revue parisienne Présence Africaine situés dans les années 1950 au 220 rue Belliard à Bruxelles. Là, se déroulèrent autant les préparatifs de tables rondes ayant joué un rôle significatif quant à l’indépendance du Congo que l’accueil de musiciens autour de Joseph Kabasele, leader de l'African Jazz à qui on doit entre autres le morceau Indépendance cha-cha. Valérie Kanza s’est engagée dans la patrimonialisation du lieu, aujourd’hui démoli. 

Elle a également remis en perspective les réseaux d’échanges établis entre les africains vivants en Europe dans un article portant sur les liens entre le directeur de Présence Africaine, le sénégalais Alioune Diop, et Thomas Kanza. Elle a aussi consacré un article à la revue Congo fondée par Thomas Kanza en 1956, laquelle a occupé une place importante quant aux rapports dynamiques entre culture et politique qui se sont établis à cette période (voir « "Congo", journal interdit : Philippe Kanza et Mathieu Ekatou : ou la genèse d'une presse congolaise libre et indépendante », In : Congo-Meuse, vol. 8, 2008, pp. 149-184).

Parmi ses films on peut citer : Belliard 220. (documentaire 52', Belgique, 2009), White Page (documentaire 22', Etats-Unis, 2008), Présence d'esprits (documentaire 35', France).

 

Cette journée se clôturera par la projection et un débat autour de Un film italien (Africa Addio) de Mathieu Kleyebe Abonnenc, film réalisé en référence à Africa Addio, long métrage du duo italien Jacopetti et Prosperi de 1964 qui réunit, sur le mode des films mondo, une quantité importante d’images violentes de l’Afrique où à celles de corps mutilés se juxtaposent celles d’animaux abattus, etc. Réalisé quelques années après les mouvements d’indépendance, ce film donna une image dévastée du continent africain et a donné lieu à de nombreuses protestations à travers le monde, allant de l’occupation des salles de cinéma qui projetèrent le film (comme ce fût le cas à Berlin) jusqu’à des prises de position ferme visant à contrer les propos des réalisateurs (tel qu’on peut le lire dans le Manifeste pour un troisième cinéma de 1968 de Fernando Solanas et Octavio Getino). Mathieu Kleyebe Abonnenc revisite dans Un film italien (Africa Addio) les tensions et conflits (culturels, historiques, idéologiques, identitaires, etc.) structurants le film afin de faire émerger une prise de position, celle d’un « spectateur témoin », à partir d’images provenant de différentes périodes. 

Mathieu Kleyebe Abonnenc s’attache maintenant depuis quelques années à interroger dans son travail les formes d’hégémonie culturelle sur lesquelles se sont construites nos sociétés contemporaines. Diplômé des Beaux-arts de Marseille en 2002, il a fait partie du programme de recherche La Seine de l’Ecole Nationale supérieure des Beaux-arts de Paris de 2006 à 2008. Son travail a fait l’objet de plusieurs expositions personnelles, dont Songs for a Mad King à la Kunsthalle de Bâle, Suisse, et Kannibalen au Bielefelder-Kunstverein, Allemagne (2013), à la Fondation Serralves à Porto, Portugal, et Pavilion à Leeds, Angleterre (2012), ainsi que Orphelins de Fanon, à la ferme du Buisson (2011). En 2012, Abonnenc a participé à la Triennale de Paris, Intense Proximité, au Palais de Tokyo, ainsi qu'à des expositions collectives dont à la Fondation d’entreprise Ricard à Paris et à l'ICA - Institue d'Art Contemporain de Philadelphie aux États-Unis.